- NARUSE MIKIO
- NARUSE MIKIONARUSE MIKIO (1905-1969)C’est à Shitamachi, la ville basse de T 拏ky 拏, que naquit Naruse Mikio. Ses parents, artisans brodeurs, disparurent très tôt, et il dut subvenir à ses besoins alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années. En 1920, il entre comme accessoiriste à la Sh 拏chiku, la grande compagnie de production cinématographique qui venait de se créer. Il aurait dû, comme son frère, devenir technicien du chemin de fer, mais cette perspective ne l’avait jamais intéressé; sa grande passion était la littérature. Autant que son expérience de Shitamachi, elle marquera profondément son œuvre: il adaptera, entre autres, Kawabata Yasunari et Hayashi Fumiko, qui dépeint la misère de ses consœurs les femmes de Shitamachi.La carrière de Naruse Mikio ne ressemble guère à celle d’Ozu Yasujiro qui, très vite, fut promu réalisateur dans la même compagnie et dont l’itinéraire s’illustre par la constance; Naruse resta près de dix ans assistant-réalisateur, ce qui, au début de la Sh 拏chiku, était rare. Il fut d’abord celui d’Ikeda Yoshinobu, qui tournait, dans les années vingt, une dizaine de mélodrames par an, avec sa femme pour vedette: Kurishima Sumiko. Elle devait jouer plus tard pour Naruse; mais à cette époque, ce dernier, effacé, solitaire, se réfugiait dans l’alcool: ses relations avec Kido Shir 拏, le jeune et autoritaire directeur des studios Sh 拏chiku-Kamata n’étaient pas des plus faciles. En 1929, il voulut démissionner, mais le réalisateur Gosho Heinosuke l’en dissuada; il devint son assistant et peu de temps après on lui donna l’occasion de réaliser une comédie burlesque: Chambara f fu (Couple en duel ). Comme tous les aspirants réalisateurs de la Sh 拏chiku, il devait faire ses preuves avec des courts métrages non sensiques, en vogue à l’époque. En 1930, il réalisa un long métrage, Ai wa chikara da (L’amour, c’est la force ), mais ce fut un échec et il dut se remettre au court métrage. Il fut reconnu, enfin, avec Erakunare (Réussis! ) en 1932 et sa carrière commença véritablement avec l’adaptation, la même année, d’une œuvre de Kikuchi Kan, Printemps gâché . Deux jeunes actrices apparurent alors dans ses films: Mizukubo Sumiko et Aizome Yumeko. Mizukubo Sumiko, célèbre pour sa funny face , joua Chocolat Girl en 1932, puis Séparé de toi en 1933. Ce dernier film eut un grand succès public et de critique. Tourné d’après un scénario original de Naruse, il s’agit d’un mélodrame dont les héroïnes étaient les misérables geishas qu’il côtoyait tous les jours, alors qu’il habitait encore un meublé dans Shitamachi. Dans ce film, il exprimait pour la première fois son univers propre. Ce succès lui permit de tourner Rêve de chaque nuit en 1933, avec la grande star Kurishima Sumiko: il obtint le troisième prix de la revue Kinema Jumpo . Le thème du film est le calvaire d’une femme, victime de l’incapacité et de la faiblesse d’un homme: elle doit recourir à la prostitution pour élever leur enfant; c’est là le type même des héroïnes de Naruse.Bien que le premier film parlant japonais ait été réalisé en 1931, les premiers films de Naruse sont muets. En effet, à la Sh 拏chiku, accéder au parlant était une faveur que l’on n’accordait qu’aux réalisateurs confirmés comme Shimazu Yasujiro, Ikeda Yoshinobu, Shimizu Hiroshi — Ozu étant un cas à part puisqu’il refusait d’en faire. Grâce aux studios P.C.L., premiers studios de cinéma parlant qui se lançaient eux-mêmes dans la production, après la rupture du contrat de la Nikkatsu, Naruse trouva l’occasion de faire du parlant et de se délivrer de la dictature de Kido Shir 拏. Son premier film pour le P.C.L. (Photo Chemical Laboratory, plus tard, la T 拏h 拏) fut une adaptation personnelle d’un feuilleton de Kawabata Yasunari, Ukigusa Shimai (Les Sœurs vagabondes ) qui devint Les Trois Sœurs au cœur pur (1935). Chiba Sachiko, qui en était la vedette, devint sa femme. Il réalisa avec elle: Femme, sois comme une rose! et La Femme dont on parle la même année. Son style y est déjà défini: Naruse bouge peu sa caméra, sinon pour de légers mouvements; c’est ainsi qu’il capte les imperceptibles mouvements psychologiques de ses personnages. À cette fluidité très circonstanciée vient s’ajouter celle de son utilisation du fondu et du fondu enchaîné. Dans Femme, sois comme une rose! , le fondu indique presque toujours le passage d’une journée à une autre, alors que la surimpression signifie le changement de lieu dans une même journée.Après son mariage, en 1937, sa production se ralentit. Il adapta une pièce shimpa (kabuki modernisé) Tsuru Hachi, Tsuru Jiro avec Hasegawa Kazuo et Yamada Isuzu. Puis, en 1939, une œuvre de l’écrivain prolétarien Tokunaga Sunao, Toute la famille travaille , film sombre, loin des impératifs en vigueur de la politique nationale de l’époque. Pendant la guerre, il se sépara de Chiba Sachiko et se noya dans l’alcool. Son œuvre s’en ressentit et ce ne fut qu’en 1951, avec La Beauté de Ginza , Le Repas , qu’il retrouva sa maîtrise. Avec les difficultés de la vie en couple, la souffrance des femmes livrées aux vicissitudes de la vie, il renoue avec son inspiration des années trente en adaptant les œuvres de Hayashi Fumiko: Le Repas (1951), Éclairs (1952), Épouse (1953), Chrysanthèmes tardifs (1954), Nuages flottants (1955), et celles de Kawabata Yasunari: La Danseuse (1951), Le Grondement de la montagne (1953). Incarnées par Tanaka Kinuyo (La Mère , 1952) mais surtout par Takamine Hideko qui tourna dans presque tous ses films de l’après-guerre, les héroïnes de Naruse semblent avoir toutes pour trait commun l’accomplissement résigné de leur karma , de leur vie terrestre. Avec Moment de terreur (1966), il s’essaya au film policier, mais sans succès, et revint à ses thèmes favoris avec Nuages flottants (1967). Il mourut d’un cancer en 1969.
Encyclopédie Universelle. 2012.